Aujourd’hui un nombre croissant de jeunes rappeurs
africains comptent démesurément sur internet pour assurer le développement de
leur carrière. « Si j’ai le buzz sur le net, je vais percer ! » se
disent ils.
Ils doivent se poser d’abord cette question :
combien de consommateurs potentiels de musique sont sur la toile ?
Seulement 18% des africains ont accès à internet. Ce
chiffre est une moyenne qui cache de grandes disparités : quand le Nigeria
est à près de 38% avec plus de 67 millions d’habitants connectés, le Bénin ne
dispose que de 460 000 internautes qui ne représentent même pas 3% de la population nationale.
Seulement 7% des africains utilisent les réseaux
sociaux.
Ne miser que sur le web en Afrique c’est faire des remous dans une
tasse de thé alors qu’on espère déclencher des tempêtes dans un océan.
L’impact est très marginal.
L’impact est très marginal.
Mais il est vrai que la 4G sera bientôt une réalité
dans la plupart des cités africaines et que le prix des smartphones ne va cesser
de baisser. Cela va démocratiser l’accès à internet et rendre donc pertinentes
les stratégies de marketing et de promotion musicale via le monde virtuel.
Encore faut il que les rappeurs sortent des pièges dans lesquels ils sont pris.
Internet et la gratuité d’accès aux contenus musicaux
qui le caractérise souvent, ne sont pas une fin en soi. C’est un moyen efficace
et économique de gagner des fans et de communiquer avec eux dans le but de
construire sa carrière artistiquement et économiquement.
Il ne sert à rien de caracoler au sommet des hit
parade de sites locaux de téléchargement gratuit si ça ne peut pas alimenter le
business. C’est de l’énergie, du temps et de l’argent jeté par la fenêtre.
En recourant aux réseaux sociaux y compris whatsapp, en
organisant soi même depuis sa page internet le téléchargement de ses œuvres, en
les rendant disponibles sur des plate formes d’écoute comme SoundCloud ;
un rappeur avisé investit mieux sur sa carrière. C’est le travail que font de
nombreux rappeurs en développement à l’instar du béninois Sir Demos.
Il faut savoir que le single ‘Try Me’ de la rappeuse
américaine Dej Loaf a explosé et l’a lancée, quand Drake l’a repéré sur SoundCloud
et s’est mis à le citer sur son compte Instagram.
En outre, aujourd’hui
il existe plusieurs sites à rayonnement international où le public peut écouter sans frais des titres, et qui
rémunèrent les artistes grâce à l’argent de la publicité. Cette option existe
par exemple sur Spotify. Les montants sont encore faibles, mais ils paient.
Sans oublier le nombre croissant de plateformes de
streaming et de téléchargement payantes africaines et internationales. On peut
citer Baziks initiée par des congolais et Deezer qui s’implante sur le
continent. Les rappeurs doivent y être présents car elles sont l’avenir et il
est temps d’éduquer le public hip hop à comprendre que l’art a un coût.
La gratuité sert à élargir et à fidéliser la fan base.
Celle ci est ensuite mise à contribution financièrement.
Ainsi les rappeurs américains ont intégré les mix tapes
gratuites à leur modèle économique car ils savent qu’ensuite leurs fans
payeront pour les voir en concerts, achèteront leurs disques (physique ou
digital), leur merchandising (t shirts et autres produits dérivés), et que leur
popularité peut déboucher sur la signature de contrats de branding et
d’endorsement avec des marques.
Ce n’est donc
pas par philanthropie que Young Thug sort des projets gratuits à un rythme
effréné.
Il existe aussi des outils d’analyse qui permettent de
connaître la localisation géographique des fans qui consomment la musique sur
internet. Sur cette base un artiste peut choisir au mieux les villes qui
constitueront les dates de sa tournée.
Cette monétisation est encore plus directe avec YouTube :
les vues donnent droit à une rémunération. Il n'y a pas de barème clair en la matière, le tarif moyen est d’environ
1euro pour 1000 vues. Mais il augmente avec la popularité de l’artiste sur
YouTube.
En additionnant les
différentes vues des vidéos de sa chaine Youtube, on peut parvenir à des
montants intéressants. Surtout qu’on peut inclure aussi les vidéos constituées simplement d’une chanson
en audio et d’une photo; ainsi que des vidéos à petit budget comme
'Freestyle PSG' de Niska la nouvelle sensation du rap français.
Elle a aujourd'hui 30 millions de vues, ce qui équivaut à une rémunération de plus de 30 mille euros. Ces vues seules ont donc généré un bénéfice au moins 30 fois supérieur au coût de la vidéo et rentabilisé le single!
Plusieurs rappeurs
africains ont des clips qui dépassent la barre du million de vues.
Le clip de rap le
plus regardé est ‘See You Again’ de Wiz Khalifa qui comptabilise plus d’1
milliard de vues. Je vous laisse calculer ce qu'elles ont rapporté aux créateurs de ce titre et à la maison de
disque !
Des combats sont menés actuellement pour augmenter la part qui revient aux labels et aux artistes.
Les jeunes rappeurs ont donc tout intérêt à bien
organiser dès le départ leur présence, et le trafic vers leurs titres sur YouTube.
Certains rappeurs ont converti leur buzz sur la toile en contrats avec de grosses maisons de disque. C’est le cas du phénomène du rap
français Gradur qui après une série de clips qui ont obtenu des millions de
vues sur Youtube, a été courtisé par les majors.
Même si c’est prématuré de parler de deal avec des
maisons de disques en ce qui concerne les rappeurs d’Afrique francophone, on
voit déjà comment de façon concrète leur buzz peut se transformer en cash.
En effet ce n’est pas avec le buzz qu’on paie les factures.
En effet ce n’est pas avec le buzz qu’on paie les factures.
Mais pour ce faire ils ne pourront pas se passer de visibilité et de promotion radio et télé, de mener des
activités dans le monde réel.
POUR APPROFONDIR LE SUJET
La rémuneration d'une vidéo virale sur youtube
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